À propos
Une mèche abandonnée, la flamme dont elle se souvient. Près des rives, des silhouettes qu’apporte le vent, troupeaux d’animaux en fuite, ombres qui conspirent à marée haute. Derrière la grille, les nuages s’amassent, attendent le signal électrique. Le cordage se détache. Des oiseaux-pêcheurs se rassemblent pour mieux se disperser. La brume se dissipe, des veines tremblent sous l’écorce. Je retrouve le silence des bois cernés par l’aube.
Laura Tirandaz
Texte écrit à propos de Pulsée, oeuvres choisies par Laura Tirandaz pour accompagner sa dernière pièce intitulée "Feu la nuit", sélectionnée par le comité de lecture de la Comédie de Caen, afin de figurer dans la revue "La Récolte". Cette pièce enregistrée en public au festival "La mousson d'été" en août 2020, réalisée par Pascal Deux, a été mise en ondes et diffusée le 6 septembre 2020 sur France Culture dans l'émission "Théatre et Cie".
Laura Tirandaz est auteur et traductrice. Elle a notamment traduit "Je saluerai encore le soleil" de Forough Farrokhzâd. Texte ardent paru sous forme de livre d'artiste aux éditions AEncrages & co que j'ai traversé de mes encres.
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Le silence en cercles concentriques se répand
trébuche et glisse sur des brins de poussière
dans la profondeur rencontre l'épiderme
prend appui sur l'os et jaillit en gestes ronds
la transparence
Boryana Todorova-Clément, comédienne, Bruxelles, juillet 2015
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Dans l’axe vertical
imposant
de solitude ordonnée
Les encres entaillent les ombres
éclatent leur insolence rouge
sous les masques du monde
dégorgent leurs couleurs
en épousailles incertaines
sur l’impasse des mémoires
sur le ventre des buvards
maternités profondes
aux sources des mangroves
ensablées d’amours
bleu, vert, orange
la rupture d’une caresse
en pinceau
macadam
fragment pigmenté
l’écorchure
du bâton pastel
empreinte digitale
sous le velours du couteau
le geste, accordé,
s’emmêle au souffle fauve des poètes
d’audaces en résistances
à traverser l’alphabet des nuits
dans l’axe vertical
imposant
inébranlable
de la beauté
Sarah Voisin, auteur-marionnettiste-plasticienne, La Colline, minuit, 24 février 2016
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Bleu II
Il y a la mer et la terre qui remonte de très loin.
Il y a la mer … et des odeurs de champignons.
Christophe Fenon, Chef du restaurant Les quatre saisons à Besançon, janvier 2015
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Etre dedans, être dehors. Écouter la langue des profondeurs, atteindre le jour guidée par un vocabulaire indéchiffrable, prendre sa place, prendre la lumière, occuper le terrain, d'un trait, d'un jeu de vides et pleins, ne jamais se laisser enfermer, laisser à d'autres yeux la liberté de conclure ou de continuer, de rebrousser chemin, de bâtir une histoire, d'en rester là, livrés aux vibrations denses ou moirées des noirs.
Une force s'impose, massive. Noir compact. L'arrêt n'est pas synonyme de mort, tant que font signe des lignes de fuite, pour que s'animent les yeux et le souffle, et que s'offre le monde, à arpenter.
Noir et bleu, bleu et noir, des plans mouvants m’attirent, m'absorbent ou m'expulsent selon ma distance ou mon intention. J'entre, je sors. Je m'éloigne, j'y reviens.
Pour y plonger, m'y reposer, m'y perdre. Bleu vif, noir menaçant, grille à pousser, roche à rouler, arabesque, voyage.
Rencontre d'un petit format, la malice sans naïveté de dessins issus de l'enfance. C'est la jubilation du jeu, l’esprit mutin d’un cercle tracé d'un pinceau léger, délié. Le grand large l’attire, il sautille, s'échappe, s'enfuit là-bas, là-haut, ailleurs.
Bandeau blanc dévoilant l'en dehors, bandeau blanc masque sur l'en-dedans, noir ou blanc, blanc ou noir, je ne sais d'où je vois, d'où je parle, et moi-même, est-ce bien la question à poser, ou ma certitude attestée, gravée dans la matière, déposée, toujours prête à l'envol, empreinte ou indice éphémère ?
Évelyne Genevois, écriveuse, collectionneuse, décembre 2012