Elisabeth Bard

... et que mon trait de pinceau soit capable de métamorphoses abruptes
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Textes

E.B.
… L’auteur.e, sa langue, nourrissent, élargissent ma propre main. Et avec toi, se sont rejoints le silence d’une écoute dans le creuset de l’atelier et le faire ensemble, qui a quelque chose de performatif, il s’agit de saisir l’instant donné, il a son rôle lui aussi dans ce qui naît … ou pourrait ne pas naître !

F.D.
C’est une question plus précise, qui se resserre sur la série, manière que tu apprécies qui revient à plusieurs reprises dans ton travail.
Le sous-titre du livre que j’ai écrit sur la série Failles, Cent lavis d’Alain Bouvier est « La répétition d’un geste toujours différent ». Ce qui relierait la danse et l’expression graphique telle que tu la pratiques, l’exposition d’un geste unique à chaque fois, serait une opposition qui se résoudrait dans une ressemblance inversée. Dans la danse, les corps répètent quelque chose qui doit traduire un insaisissable, un instantané, mais construit dans un effort de réplication (je me souviens de l’esprit si « tatillon » de Pina Baush qui fait répéter au millimètre un seul geste (et chaque geste ainsi) qui paraît d’une spontanéité absolue dans le beau film Rêves dansants) que le spectateur ne verra qu’une fois, dans la beauté d’un seul et unique geste. Pour le geste graphique qui t’anime et que tu animes, ce qui pourrait s’en rapprocher, ce serait la série, la série d’œuvres dans le même mouvement, toutes différentes mais comme l’approche sensible toujours différente d’un « je ne sais quoi » qui réapparaîtra nouvellement, pourtant semblable à lui-même. L’inconnu ? « Ce qui arrive » !
La série répète une direction, un mode d’approche, une couleur parfois, une donnée graphique qui revient, mais jamais la même. OU alors au contraire, n’est-ce pas, dans le geste du danseur comme dans un geste graphique selon les deux vers de Nerval :

La Treizième revient... C’est encore la première ;

Et c’est toujours la seule, — ou c’est le seul moment

ce moment qui me permet aussitôt de citer Mallarmé :

"Rien n’aura jamais eu lieu que le lieu ».

Ainsi, le temps et l’espace se rejoindraient de toutes ces sortes de façons ?

E.B.
J’aime bien quand tu parles « d’opposition qui se résoudrait dans une ressemblance inversée ». Ta formulation invite une abstraction, une tension, qui jongle avec cette mise en relation entre danse et geste pictural. Tu parlais de paradoxe, peut-être là est-il.
La notion de répétition que tu mets pertinemment en rapport avec celle de la série serait au même endroit que celle qui, musicalement va de la cellule rythmique répétée, à la variation, aux variations. Répétition d’un geste dansé qui à chaque fois devient autre parce que le premier, le second etc. ont été donnés-reçus et déploient dans le sensible quelque chose de supplémentaire ou autre. Dans une série, il y a des éléments communs d’origine : l’idée, la couleur, le format, l’outil utilisé, ou la forme du geste, ou … Ceux-ci vont se renouveler au rythme décliné du un + un + un + un … « La seule, le seul moment » de Nerval que tu cites. Temps et durée. Oui, la série introduit le temps. Et cela m’intéresse vraiment. Phénomène. Lieu. Tout se rejoint. Sans s’amalgamer. Tu évoques Mallarmé … « Rien n’aura jamais eu lieu que le lieu » … J’adore cette « réduction » qui amplifie... La toile, la feuille de papier sont lieu mais le lieu advient parce qu’il y a événement. Événement graphique qui va vers, qui ne se replie pas sur lui-même...

Extrait de l'entretien réalisé par la poétesse Françoise Delorme, paru au printemps 2025 dans la revue de poésie contemporaine « terre à ciel » à l'occasion de la parution du livre d'artiste intitulé « En l'aujourd'hui »

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Une mèche abandonnée, la flamme dont elle se souvient. Près des rives, des silhouettes qu’apporte le vent, troupeaux d’animaux en fuite, ombres qui conspirent à marée haute. Derrière la grille, les nuages s’amassent, attendent le signal électrique. Le cordage se détache. Des oiseaux-pêcheurs se rassemblent pour mieux se disperser. La brume se dissipe, des veines tremblent sous l’écorce. Je retrouve le silence des bois cernés par l’aube.

Laura Tirandaz, 2019

Texte écrit à propos de Pulsée, oeuvres choisies par Laura Tirandaz pour accompagner sa dernière pièce intitulée "Feu la nuit", sélectionnée par le comité de lecture de la Comédie de Caen, afin de figurer dans la revue "La Récolte". Cette pièce enregistrée en public au festival "La mousson d'été" en août 2020, réalisée par Pascal Deux, a été mise en ondes et diffusée le 6 septembre 2020 sur France Culture dans l'émission "Théatre et Cie".

Laura Tirandaz est auteur et traductrice. Elle a notamment traduit "Je saluerai encore le soleil" de Forough Farrokhzâd. Texte ardent paru sous forme de livre d'artiste aux éditions AEncrages & co que j'ai traversé de mes encres.

—

Le silence en cercles concentriques se répand

trébuche et glisse sur des brins de poussière

dans la profondeur rencontre l'épiderme

prend appui sur l'os et jaillit en gestes ronds

la transparence

Boryana Todorova-Clément, comédienne, Bruxelles, juillet 2015

—

Dans l’axe vertical
imposant
de solitude ordonnée

Les encres entaillent les ombres
éclatent leur insolence rouge
sous les masques du monde

dégorgent leurs couleurs
en épousailles incertaines

sur l’impasse des mémoires
sur le ventre des buvards

maternités profondes
aux sources des mangroves
ensablées d’amours
bleu, vert, orange

la rupture d’une caresse
en pinceau
macadam
fragment pigmenté
l’écorchure
du bâton pastel
empreinte digitale
sous le velours du couteau

le geste, accordé,
s’emmêle au souffle fauve des poètes
d’audaces en résistances
à traverser l’alphabet des nuits

dans l’axe vertical
imposant
inébranlable
de la beauté

Sarah Voisin, auteur-marionnettiste-plasticienne, La Colline, minuit, 24 février 2016

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Bleu II

Il y a la mer et la terre qui remonte de très loin.
Il y a la mer … et des odeurs de champignons.

Christophe Fenon, Chef du restaurant Les quatre saisons à Besançon, janvier 2015

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Etre dedans, être dehors. Écouter la langue des profondeurs, atteindre le jour guidée par un vocabulaire indéchiffrable, prendre sa place, prendre la lumière, occuper le terrain, d'un trait, d'un jeu de vides et pleins, ne jamais se laisser enfermer, laisser à d'autres yeux la liberté de conclure ou de continuer, de rebrousser chemin, de bâtir une histoire, d'en rester là, livrés aux vibrations denses ou moirées des noirs.

Une force s'impose, massive. Noir compact. L'arrêt n'est pas synonyme de mort, tant que font signe des lignes de fuite, pour que s'animent les yeux et le souffle, et que s'offre le monde, à arpenter.

Noir et bleu, bleu et noir, des plans mouvants m’attirent, m'absorbent ou m'expulsent selon ma distance ou mon intention. J'entre, je sors. Je m'éloigne, j'y reviens.
Pour y plonger, m'y reposer, m'y perdre. Bleu vif, noir menaçant, grille à pousser, roche à rouler, arabesque, voyage.

Rencontre d'un petit format, la malice sans naïveté de dessins issus de l'enfance. C'est la jubilation du jeu, l’esprit mutin d’un cercle tracé d'un pinceau léger, délié. Le grand large l’attire, il sautille, s'échappe, s'enfuit là-bas, là-haut, ailleurs.

Bandeau blanc dévoilant l'en dehors, bandeau blanc masque sur l'en-dedans, noir ou blanc, blanc ou noir, je ne sais d'où je vois, d'où je parle, et moi-même, est-ce bien la question à poser, ou ma certitude attestée, gravée dans la matière, déposée, toujours prête à l'envol, empreinte ou indice éphémère ?

Évelyne Genevois, écriveuse, collectionneuse, décembre 2012

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